La plupart d’entre nous ne savent que deux choses sur les hémorroïdes : ça se passe à l’endroit qu’on préfère ne pas nommer directement, et ça fait très mal

Mais pourquoi et comment les hémorroïdes (ou pour être plus précis, les crises hémorroïdaires) surviennent et surtout que faire pour ne pas en souffrir… on préfère ne pas y penser ! C’est dommage, car il s’agit d’une affection bien connue, bien comprise, qui peut non seulement être soignée, mais surtout dans une large mesure, être évitée par des règles de vie et d’hygiène appropriées.

Cette affection est très répandue, et dans la majorité des cas, relativement bénigne (mais douloureuse quand même). Selon une étude américaine, environ 4,4 % de la population en souffre. La prévalence augmente avec l’âge, et jusqu’à 50 % des personnes de plus de 50 ans déclarent en souffrir à un moment ou à un autre de leur vie[1]. Une autre étude, internationale cette fois, a évalué les caractéristiques et le traitement des personnes adultes atteintes d’hémorroïdes en France, au Brésil, en Hongrie, Italie, Roumanie, Espagne et Russie. Résultats : la prévalence des hémorroïdes était de 11 %, mais la plupart des répondants avaient une maladie de faible gravité (71 %). Comparativement à la population générale, les participants atteints d’une maladie hémorroïdaire étaient sans surprise plus âgés, mais aussi plus fréquemment des femmes qui avaient été enceintes[2]. Selon la Société Nationale Française de Colo-Proctologie, 8 % des femmes enceintes et 20 % des femmes accouchées sont sujettes à une thrombose hémorroïdaire.

Bref, quelle que soit la manière dont on s’y intéresse, les hémorroïdes concernent beaucoup de monde, et de plus en plus lorsqu’on vieillit. Alors qu’est-ce qu’on fait ? On reste dans le déni et on ne veut surtout pas savoir de quoi il s’agit et comment on peut agir, ou on s’intéresse au problème et on apprend les bons réflexes pour éviter de se retrouver sur les toilettes en criant « aïe aïe aïe » ?

Si vous êtes partisan du déni, arrêtez de lire cette lettre et passez à autre chose. Sinon, suivez-moi !

GLOIRES ET DÉBOIRES DE NOTRE RÉGION INTIME

Parlons franchement, mais parlons clairement. Les hémorroïdes sont un réseau particulier de veines faisant partie du canal anal et de l’anus. Elles ont la particularité de contenir « des petits lacs sanguins associés à des  vaisseaux artériels. L’ensemble est regroupé en 3 à 4 structures, ayant des formes de grappes de raisin unies entre elles, et fixées à la paroi de l’anus »[3]. Mais quelle est la fonction de cet étrange assemblage dans cette partie de notre anatomie ? Il joue un rôle fondamental ! C’est grâce aux hémorroïdes, en les gonflant aux moments opportuns, que nous pouvons retenir les selles et les gaz. Eh oui, les hémorroïdes sont notre arme anti-fuites.

Et comme souvent dans le corps humain, c’est précisément leur fonction qui les fragilise et les rend plus sensibles. Pour assurer un contrôle efficace de la région anale, les hémorroïdes sont particulièrement innervées et riches en microcapteurs neurologiques. Songez-y lorsque vous ressentez une légère pression ou un gaz qui cherche à s’échapper : ce sont ces capteurs situés dans l’anus qui vous permettent de percevoir ce qui se déroule à l’intérieur.

QUE SE PASSE-T-IL EXACTEMENT QUAND ÇA COMMENCE À FAIRE MAL ?

Si les hémorroïdes elles-mêmes ne sont normalement pas douloureuses, y compris lorsqu’elles sont dilatées, elles sont situées juste sous la peau de l’anus, qui elle est très sensible à la douleur. La crise hémorroïdaire va survenir lorsque la dilatation, ou l’inflammation, d’une partie des hémorroïdes est tellement importante qu’elle provoque un mouvement ou une excroissance vers l’extérieur de la peau. Quand cela se produit à l’intérieur de l’anus, on parle de crise interne, quand c’est à l’extérieur, de crise externe.

Ce sont principalement ces dernières qui sont douloureuses. Concrètement, une petite excroissance, de couleur chair, parfois accompagnée d’un petit caillot de sang, va se former à l’extrémité de l’anus. Ce caillot occasionne souvent de vives douleurs, car la paroi de l’anus, très irriguée et innervée, est extrêmement sensible. Si vous souhaitez voir des photos du phénomène, vous pouvez consulter cette page internet, mais je vous préviens, ce n’est pas très ragoûtant.

La crise s’accompagne souvent de saignements, car les hémorroïdes sont des vaisseaux sanguins très superficiels. Lors des hémorroïdes internes, les saignements sont peu abondants, on ne s’en aperçoit généralement qu’en se nettoyant le derrière. Le prolapsus hémorroïdaire (c’est le nom scientifique de l’excroissance hors de l’anus) peut aussi provoquer des irritations, des démangeaisons ou une envie fréquente d’aller à la selle.

À noter que tout cela n’est pas très grave : les saignements ne sont jamais importants et ces crises se résorbent le plus souvent toutes seules en quelques jours. Mais en attendant, ÇA FAIT TRÈS MAL, et si on est sujet aux crises hémorroïdaires et qu’on ne fait rien, elles peuvent survenir régulièrement.

Alors, qu’est-ce qu’on peut faire ?

QUELQUES PRÉCAUTIONS POUR PRÉSERVER VOTRE CONFORT INTIME

Le mieux, comme toujours, c’est d’éviter que ça se produise !

Les crises hémorroïdaires sont provoquées par une augmentation excessive de la pression dans les veines de la région anale et rectale. Mais pourquoi cette augmentation excessive de la pression ? Là encore, parlons franchement : cette augmentation de pression se produit souvent lorsque l’on est sur les toilettes et qu’on pousse fort pour évacuer les selles quand elles ne veulent pas sortir. Désolé, c’est trivial, mais les conséquences sont bien réelles. Quand on pousse, on augmente le flux sanguin dans les hémorroïdes, et à force une excroissance se forme.

La cause principale des crises hémorroïdaires est donc la constipation. Et le plus terrible est que, plus on est constipé, plus on a de chances de provoquer une crise, mais aussi plus cette crise sera douloureuse (parce qu’on va continuer à pousser à un endroit où ça fait encore plus mal).

QUELQUES CONSEILS PRATIQUES POUR ÉVITER LA CONSTIPATION

Sans faire une lettre détaillée sur la constipation, voici un rappel des moyens les plus simples et naturels de lutter contre.

  • Elle est souvent liée à un DÉFICIT EN FIBRES dans l’alimentation. Rappel : les principales sources de fibres sont les fruits et légumes, notamment consommés avec la peau, et en particulier les pommes, les poires, les groseilles ou autres baies, les bananes, ainsi que les fruits secs (pruneaux, abricots, figues), les amandes, les artichauts, les salsifis, le chou-fleur, le brocoli et encore les carottes. Pensez aussi aux légumineuses, lentilles, pois chiches, haricots ou fèves. Si vous mangez des céréales, choisissez-les complètes, tout comme le pain, les pâtes et le riz[4]. Aucun de ces aliments n’est régulièrement à votre menu ? Changez cela !
  • La constipation est fréquemment aggravée par une mauvaise HYDRATATION qui provoque assez logiquement  le durcissement des selles. Du coup, il faut pousser davantage et le frottement est plus abrasif. La solution est simple : buvez plus d’eau, et peut-être réduisez l’alcool. Si vous avez naturellement tendance à ne pas boire assez, imposez-vous une certaine discipline : chaque matin, remplissez une bouteille d’un litre et demi d’eau, et astreignez-vous à la boire en entier pendant la journée, en buvant très régulièrement des petites quantités d’eau.
  • Le MANQUE D’ACTIVITÉ PHYSIQUE peut également favoriser la constipation. En effet, l’activité physique quotidienne stimule à la fois l’appétit et le fonctionnement naturel du côlon (qui est à peu de choses près un muscle). Il n’est pas nécessaire de vous inscrire dans une salle de sport ou de courir un marathon. Pratiquez régulièrement diverses activités physiques du quotidien, comme marcher, prendre les escaliers, bricoler, jardiner et bien sûr des loisirs encore plus sportifs comme la danse ou la natation. Peu importe votre choix, l’essentiel est de réduire votre sédentarité. Rester trop longtemps assis, surtout sur des surfaces dures, augmente la pression sur les veines de la région anale et rectale, favorisant le développement d’hémorroïdes.

EN CAS DE CONSTIPATION, TOUT N’EST PAS PERDU

Si malgré vos efforts en matière d’alimentation, d’hydratation et d’exercice, vous souffrez d’épisodes de constipation (cela pourrait être lié par exemple à la prise de nouveaux médicaments), vous pouvez encore éviter les crises hémorroïdaires.

1.Changez vos habitudes aux toilettes. Allez-y à heure fixe (une demi-heure à une heure après le repas). Après chaque repas, le côlon est animé d’ondes de contractions qui peuvent se traduire par un besoin d’aller aux toilettes. C’est le réflexe gastro-intestinal. Votre organisme s’habituera peu à peu à un horaire régulier.

En plus de ces rendez-vous, allez-y dès que vous en avez envie, sans laisser passer le besoin.

Prenez votre temps aux toilettes et retenez-vous de pousser à fond pour accélérer les choses. Lisez un bouquin, un magazine, mais ne forcez pas en espérant que ça sorte, vous le regretterez après !

Utilisez un marchepied pour rehausser le niveau de vos jambes par rapport à votre côlon. La position « à la turque » favorise naturellement la circulation des selles. Testez, vous serez surpris comme cela aide les choses, sans douleur.

2.N’hésitez pas à appliquer un peu de lubrifiant sur l’extrémité de la région anale, là où ça fait mal et où se développent les hémorroïdes externes. Vous pouvez utiliser de l’huile d’olive, de l’huile de coco, ou simplement de la vaseline. Cela peut vous soulager en cas d’accumulation de selles dures.  Ça ne va pas tout régler, mais ça peut limiter l’inconfort et la douleur. Si l’idée de vous appliquer de l’huile à cet endroit vous dégoûte, alors c’est que vous n’avez pas encore eu de crise hémorroïdaire ! Attention toutefois, cette solution est temporaire et doit rester exceptionnelle.

AUTRES PRÉCAUTIONS À PRENDRE POUR QUE ÇA N’ARRIVE PRESQUE JAMAIS

Certains aliments, différents selon les personnes, peuvent faciliter l’apparition de crises. Cela peut être un plat de viande, certaines épices, parfois le café, le thé ou encore certains alcools. Notez soigneusement ce que vous avez mangé dans les heures ou les jours qui ont précédé une crise, et apprenez à reconnaître ces aliments. (Évidemment, éliminez ces aliments une fois que vous les avez identifiés).

Si vous êtes sujet à des crises hémorroïdaires, il est important de prêter une attention particulière à l’hygiène de cette zone. Lavez-vous délicatement à l’eau tiède avec un linge en coton ou une lingette humide. Utilisez un savon doux et évitez surtout les produits cosmétiques trop agressifs pour la peau.

DES SOLUTIONS NATURELLES POUR RÉDUIRE LE RISQUE

Quelques remèdes de grand-mère peuvent aussi, à moyen terme, soulager ou réduire vos crises.

La plante la plus réputée contre les hémorroïdes est le marronnier d’Inde, qui a d’ailleurs fait ses preuves dans le cadre d’études scientifiques[5]. En tisane ou en solution buvable (même si son goût est souvent jugé désagréable), c’est une solution naturelle pour renforcer les parois veineuses et améliorer le retour veineux, ce qui permet de réduire l’inflammation des hémorroïdes[6].

Autres tisanes qui pourraient vous apporter un soulagement : le fragon petit houx ou la vigne rouge, mais il vous faudra consommer deux ou trois tasses par jour, et ne vous attendez pas à une amélioration immédiate. Idem avec l’hamamélis, aussi disponible sous forme d’hydrolat.

VOUS SOUFFREZ TOUJOURS MALGRÉ TOUTES VOS PRÉCAUTIONS ?

Appliquer du froid sur la zone sensible peut vous apporter un soulagement rapide. Un simple jet d’eau froide ou l’utilisation de poches de glace peuvent être très efficaces. Le froid favorise le resserrement des tissus dilatés. Mais il s’agit uniquement de réduire la douleur à court terme.

Des médicaments en vente libre, tels que des crèmes et des suppositoires contenant des corticoïdes, peuvent réduire l’inflammation et soulager la douleur, de même que des antalgiques comme le paracétamol. Comme solution naturelle, vous pouvez utiliser l’aloe vera, qui réduira l’inflammation et apportera du soulagement. Mais si c’est votre première crise, et/ou si, en observant ou en auscultant la zone douloureuse vous avez pu constater la présence d’un prolapsus ou d’un caillot, il est important avant tout de CONSULTER UN MÉDECIN.

Puis de mettre en place les bonnes habitudes pour que ça ne se répète pas.

Prenez soin de vous. 

Votre correspondant, Léopold Boileau

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Sources :

  1. Al-Masoudi RO, Shosho R, Alquhra D, Alzahrani M, Hemdi M, Alshareef L. Prevalence of Hemorrhoids and the Associated Risk Factors Among the General Adult Population in Makkah, Saudi Arabia. Cureus. 2024 Jan 3;16(1):e51612. doi: 10.7759/cureus.51612. PMID: 38318578; PMCID: PMC10840063.
  2. https://becarispublishing.com/doi/10.2217/cer-2020-0159
  3. https://www.snfcp.org/informations-maladies/hemorroides/les-hemorroides/
  4. www.hopitalduvalais.ch
  5. https://pdfs.semanticscholar.org
  6. www.dieti-natura.com