Je me demande si vous avez déjà fait cette expérience, lorsque vous sentez une odeur qui, instantanément, réveille en vous des souvenirs lointains ou même disparus.
C’est ce que les scientifiques appellent « L’effet Proust », en référence à la célèbre madeleine de l’écrivain. [1]
De nouvelles recherches révèlent que notre odorat et notre mémoire sont liés de manière intime.
Et vous allez voir que ce lien mystérieux offre de nouvelles possibilités inattendues pour améliorer le dépistage et le traitement de la maladie d’Alzheimer.
Faisons ensemble l’expérience de ce lien miraculeux entre l’odorat et la mémoire
Chaque fois que j’en ai l’occasion, je respire à pleins poumons l’air des pâtures – – dans mon Jura c’est facile car elles sont tout autour de ma maison.
En une fraction de seconde, cette odeur me téléporte sur les chemins de Corrèze où je passais mes vacances lorsque j’étais enfant. J’y vois, en détails, les chemins. Les prés. Les clôtures. Les cours d’eau. Les vaches. Les murs de pierre… Je sens les rayons du soleil sur ma nuque. Les cailloux sous mes chaussures. L’écorce du bâton de marche taillé par mon père et que je tiens fort dans ma main… J’entends le vent dans les feuilles. Le chant des oiseaux… Tout cela en une fraction de seconde, en une respiration.
C’est le pouvoir incroyable des odeurs pour faire ressurgir nos souvenirs. Et pour vous ? Quelle est l’odeur où quelles sont les odeurs qui ont le pouvoir de vous transporter en un instant vers de lointains souvenirs ? Votre nez est un merveilleux instrument pour faire remonter à votre mémoire des souvenirs agréables – – vous auriez tort de vous en priver !
Mais comment cet « effet Proust » s’explique-t-il sur le plan scientifique ? Jusqu’ici c’était un mystère. Et pourtant…
L’explication est évidente comme le nez au milieu de la figure !
Les chercheurs ont émis l’hypothèse que les odeurs déclenchent des souvenirs parce que, dans notre cerveau, notre système olfactif se trouve juste à côté du centre de notre mémoire.
Cette explication anatomique semble aussi simple qu’évidente. En effet, l’amygdale, la structure cérébrale en forme d’amande qui traite l’information sensorielle et l’hippocampe, la zone chargée de stocker nos souvenirs, sont très proches dans notre cerveau.
Vous pouvez vous en rendre compte sur cette image :
C’est donc tout simplement l’anatomie de notre cerveau qui explique que l’odeur des madeleines de Proust soient capables de faire renaître les souvenirs de l’écrivain !
C’est aussi cette particularité de notre anatomie qui explique aussi comment notre odorat peut nous aider dans le combat contre Alzheimer.
Ce que les odeurs nous apprennent sur Alzheimer
De nouvelles recherches à l’Université de Toronto au Canada montrent que les informations spatio-temporelles sont intégrées dans une région du cerveau appelée « noyau olfactif antérieur », impliqué dans la maladie d’Alzheimer. [2]
Si vous connaissez des personnes qui souffrent d’Alzheimer, vous avez certainement remarqué qu’elles oublient, dès les premiers stades de la maladie, ces informations dites « spatio-temporelles ». Par exemple : « Où est-ce que j’ai mis mes lunettes ? » (spatio) ou « On est quel jour déjà ? » (temporel) sont parmi les signes les plus courants.
Afif Aqrabawi, co-auteur de l’étude, explique ce lien entre les odeurs (le quoi) et l’information sur l’espace et le temps (où et quand) : « Lorsque ces éléments se combinent, un souvenir se forme. C’est pourquoi, par exemple, se souvenir de l’odeur du parfum d’un amoureux (le quoi) fait remonter le souvenir de votre premier baiser (où et quand). »
De nombreuses études antérieures documentent le rôle du noyau olfactif antérieur dans le développement de la maladie d’Alzheimer. Cette zone serait même l’une des premières touchée par la formation d’agrégats protéiques anormaux caractéristiques de la maladie.
C’est la raison pour laquelle vous devez prendre au sérieux des changements au niveau de l’odorat. Car ils pourraient être les signes précurseurs du développement de la maladie d’Alzheimer.
Perte d’odorat : le premier signe d’Alzheimer ?
À mesure que nous vieillissons, il est fréquent de perdre en partie notre sensibilité aux odeurs – on parle « d’anosmie ».
Toutefois, des scientifiques de l’Université McGill, au Québec, pensent que la perte d’odorat peut se révéler être aussi un signe précoce de la maladie d’Alzheimer. [3]
En 2017, ils ont testé cette théorie sur 300 personnes présentant un risque élevé de développer la maladie d’Alzheimer en raison de leur hérédité. Au cours de cette expérience, chaque participant a passé un test d’identification des odeurs. Des examens réguliers ont également été menés sur les facteurs de risque biologiques de la maladie d’Alzheimer.
Les chercheurs ont ainsi découvert que les participants qui avaient le plus de difficulté à identifier les odeurs étaient aussi ceux qui présentaient les facteurs de risque biologiques les plus élevés.
Selon Marie-Elyse Lafaille-Magnan, auteure de l’étude : « C’est la première fois que l’on peut démontrer clairement que la perte de la capacité à identifier les odeurs est corrélée à des marqueurs biologiques indiquant l’avancée de la maladie. »
Ce genre de test olfactif pourrait donc être utilisé pour dépister la maladie d’Alzheimer plus précocement qu’on ne peut le faire aujourd’hui. C’est déjà une grande nouvelle mais il y a mieux encore.
Comment l’odorat pourrait réduire de 50% les symptômes d’Alzheimer
Les nouvelles découvertes sur les liens entre notre odorat et notre mémoire pourraient même nous aider à ralentir le développement de la maladie d’Alzheimer.
D’après le Dr John Breitner, directeur du Centre d’études sur la prévention de la maladie d’Alzheimer à l’Université McGill : « Si nous pouvons retarder l’apparition des symptômes de seulement cinq ans, nous devrions pouvoir réduire la prévalence et la gravité de ces symptômes de plus de 50% » – c’est extraordinaire !
Et en même temps c’est logique : comme pour n’importe quelle maladie, plus tôt on la dépiste, plus tôt on peut agir et réduire significativement la vitesse de développement et l’intensité des symptômes.
Les chercheurs ont donc bon espoir même s’ils reconnaissent que, pour le moment, les tests d’odorat doivent être perfectionnés et qu’ils ne suffisent pas à eux seuls pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer.
Guérir Alzheimer grâce aux odeurs
Dans le même temps, d’autres chercheurs empruntent la voie de la mémoire olfactive pour trouver un traitement contre la maladie d’Alzheimer.
C’est le cas par exemple de chercheurs français du CNRS. Ils ont notamment découvert qu’en restaurant les cellules olfactives chez des souris amnésiques, celles-ci pouvaient à nouveau associer une récompense à une odeur, comme si elles retrouvaient la mémoire après avoir retrouvé leur odorat. [4]
On est bien sûr encore loin de protocoles d’essais applicables sur l’homme.
Malgré tout, ces expériences nous révèlent à quel point notre odorat peut nous aider à mieux prévenir la maladie d’Alzheimer. Et vous pouvez immédiatement mettre à profit ces découvertes. Voici comment.
D’abord en prévention (pour vous ou l’un de vos proches)
Si vous, ou l’un de vos proches, remarquez un changement majeur de vos sensations olfactives, prenez cela au sérieux et parlez-en à votre médecin.
Il peut y avoir des pertes d’odorat ponctuelles dues à des polypes nasaux, les sinus bouchés et les allergies saisonnières. Ceux-ci peuvent être détectés par un examen de routine, bien que vous ayez peut-être besoin de faire appel à un spécialiste ORL pour un examen plus approfondi.
En revanche, si cette diminution de l’odorat perdure, vous avez probablement intérêt à engager d’autres examens en lien avec une maladie neuro-dégénérative.
Voilà déjà une première manière de mettre à profit ces nouvelles découvertes sur le lien entre l’odorat et la mémoire.
Une autre manière est de préserver votre mémoire en stimulant votre odorat.
Stimulez votre mémoire grâce à votre nez
Une étude publiée dans la revue scientifique Neuron a montré que les odeurs, en particulier les odeurs agréables, stimulent la mémoire. [5]
Au cours de cette expérience, on a montré à un groupe d’adultes une série d’images, chacune présentée avec une odeur. Plus tard, on leur a montré une série d’images, cette fois-ci sans odeurs, et on leur a demandé d’indiquer celles qu’ils avaient vues auparavant.
Les participants avaient de bien meilleurs souvenirs pour toutes les images couplées d’odeurs. Ces résultats étaient encore meilleurs lorsque les images étaient associées aux odeurs agréables. Au cours de l’imagerie cérébrale, les scientifiques ont constaté que la principale région du cerveau qui traite les odeurs (le cortex piriforme) devient active lorsque les gens voyaient des objets qu’ils avaient vus initialement avec des odeurs, alors que les odeurs n’étaient plus présentes et que les sujets n’avaient pas essayé de se souvenir d’eux.
Voilà donc une manière simple et agréable de stimuler votre mémoire. Respirez. Prenez le temps de sentir et d’apprécier les odeurs qui vous entourent. Dans votre cuisine. Dans votre jardin. À la campagne. À la mer.
N’hésitez pas à vous faire plaisir en retrouvant les odeurs de votre enfance qui vous rappellent de bons souvenirs. Il y a quelques jours, mon épouse Marie a retrouvé par hasard l’adoucissant que son père utilisait pour laver les draps lorsqu’elle était enfant. C’est désormais celui qu’elle utilise pour notre famille car cela lui rappelle de bons souvenirs.
Retrouvez ces odeurs qui évoquent pour vous des souvenirs agréables et remettez-les dans votre vie. C’est bon pour votre moral et c’est bon pour votre mémoire.
Prenez soin de vous,
Léopold Boileau,
Votre correspondant
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Sources
[1] http://web.colby.edu/cogblog/2015/11/22/smelling-your-memories-the-positive-and-negative-of-the-proust-effect/
[2]https://www.medicalnewstoday.com/articles/322579.php
[3] Neurology. 2017 Jul 25;89(4):327-335. doi: 10.1212/WNL.0000000000004159. Epub 2017 Jun 28. Odor identification as a biomarker of preclinical AD in older adults at risk. Lafaille-Magnan ME1, Poirier J2, Etienne P2, Tremblay-Mercier J2, Frenette J2, Rosa-Neto P2, Breitner JCS2; PREVENT-AD Research Group.
[4] Engraftment of human nasal olfactory stem cells restores neuroplasticity in mice with hippocampal lesions Emmanuel Nivet, … , François Féron, François S. Roman Published July 1, 2011; First published June 13, 2011 Citation Information: J Clin Invest. 2011;121(7):2808-2820. https://doi.org/10.1172/JCI44489.
[5] Neuron. 2004 May 27;42(4):687-95. Remembrance of odors past: human olfactory cortex in cross-modal recognition memory. Gottfried JA1, Smith AP, Rugg MD, Dolan RJ.
Merci pour cette explication très claire. Personnellement, je m’inquiète car ma fille de 45 ans n’a aucun odorat et à une mémoire de bulot, je me demande comment faire pour tester ses neurones, avez vous une piste ?
Merci pour toute réponse.
cHANTAL
Je prends de la vitamine D avec du magnésuim 3 cp par jour
Vous évoquez la perte d’odorat mais que penser quand, au contraire une odeur inexistante s’impose ? Il y a quelques temps j’ai eu “dans le nez” une odeur persistante de pain grillé.
Ca a duré plusieurs semaines puis un jour, plus rien .
PLus de 6 mois plus tard c’est une odeur pharmaceutique évoquant le camphre, le solvant et autres effluves, pas désagréables, qui ont persisté puis disparu.
A ce jour mon odorat est normal, mais à 73 ans peut-il y avoir des modifications liées à l’âge ?
Cordialement
Je me permets de signaler que pour Proust et ses madeleines, il s’agit du goût et non de l’odorat! Pourrait-on d’après vous transposer les vertus des “réminiscences” de l’odorat à celles du goût, et pourquoi pas à celles de tous nos sens? Je serais tentée pour ma part de répondre positivement…. Ce qui élargirait la “palette” thérapeutique! cordialement
Suite a une intervention chirurgicale j’ai eu dans la nuit une hémorragie, il n,y avait pas de medecin dans la clinique, les infirmières de garde (espagnoles qui parlait peut le français ont fair revenir le médecin qui etait repartit sur Paris’ quand il est arrivé furieux il m’a fait une intervention a vif dans le nez j’ai cru qu’il allait m’enlever le cerveau c’etait atroce .
Penchez vous que l’origine de mon Alhzeimer peut en être la cause.
Je vous en remercie vivement
Bien courtoisement.
Bonjour,
Je viens de prendre connaissance de votre article. Il provoque en moi beaucoup d’inquiétude car je suis atteinte d’anosmie depuis l’âge de 40 ans. J’ai perdu l’odorat et le goût suite à une intervention chirurgicale sur le cerveau car j’ai été victime d’un traumatisme crânien avec fracture de l’ethmoïde droit. J’ai aujourd’hui 65 ans, vous vous doutez bien que je n’ai jamais récupéré ces deux sens olfactifs.
Est-ce que je présente un risque supplémentaire pour me retrouver avec un Alzheimer, dois-je consulter plus que tout autre personne un spécialiste ?
Je vous remercie par avance d’apporter une réponse à mes interrogations.
La perte d’odorat peut-être un des symptômes de la maladie d’Alzheimer, mais aussi provenir d’autres
pathologies, souvent ORL, donc ne pas se focaliser dessus, et faire des examens complémentaires…
Les troubles de mémoire peuvent être améliorés par le Ginkgo biloba, si d’origine vasculaire, et souvent
par le Bacopa, qui, dans certains cas, peut restaurer partiellement la plasticité cérébrale, sans oublier,
c’est le cas de le dire, la mémorisation, et une supplémentation en oméga 3 (EPA-DHA) peut être bénéfique,
à moyen terme, en association avec les vitamines B (la B1 en priorité, d’autant plus si troubles mnésiques
consécutifs à alcoolo-dépendance).
Ce ne sont que des pistes à suivre, dans la mesure où chaque cas doit être individualisé, en prenant en compte
le traitement allopathique que certaines personnes prennent, car il y a des médicaments, comme
les anticholinergiques et les benzodiazépines qui peuvent être des cofacteurs de la maladie d’Alzheimer.
merci pour l’information concernant le magnésium je ne savais pas qu’il fallait associer le magnésium à la vitamine D que je prends depuis longtemps en comprimés OROCAL D3
Bonjour,
Je comprends volontiers que les odeurs d’aujourd’hui rappellent des souvenirs de temps parfois très anciens, et qu’il s’en dégage d’agréables souvenirs. C’est bon pour le moral si le passé fait plaisir à revivre. Mais ce n’est certainement pas le cas de tous.
Je connais bien la maladie d’Alzheimer, et je sais que la mémoire ancienne n’est pas vraiment dégradée, elle l’est par rapport à l’âge, pas en fonction de son odorat. C’est la mémoire immédiate qui est en cause, celle qui indique clairement les premiers symptômes de cette cruelle maladie. Que le sens olfactif soit entier ou défaillant, la perte de mémoire immédiate est accompagnée de nombreuses autres difficultés, telles que les troubles du comportement, avec lesquels l’odorat n’a rien à voir…
Cordialement. E. M.
Bonjour,
Merci pour votre article. Aimerais beaucoup pouvoir communiquer avec vous directement. J’ai _à ans mais travaille encore. J’ai monté un Centre de Recherche (centre de Recherche pour l’élargissement de l’art d’approche de l’homme CREARE et je poursuis mes recherches et observations après 40 ans de pratique et consultations thérapeutiques .
J’avais ouvert à Paris en 1975 une école d’enseignement supérieur avec l’aide de Bernard Lafay (à l’époque maire de Paris )et de de la SIEMP dans le projet de rénovation du 137me arrondissement. Cette école très novatrice a été construite selon mes souhaits avec les architectes des tours 3 tours révolutionnaires à l’époque à pattes d’éléphant Khéops, Mykérinos …
Pourquoi vous en parler?
J’ai notamment équipé l’école d’une régie digne de celle d’Europe n°1, à l’époque mais aussi de gaines olfactives! je m’en suis servi pour stimuler non seulement la mémorisation pour les cours mais aussi pour accompagner aussi les séminaires de créativité et les dynamiques de groupe (c’était l’époque) avec Havas et autres . C’était formidable de voir l’impact d’éveil créatif sur les groupes!
Bien &évidemment j’étais jeune et cet outil fabuleux dont j’ai bien sûr garder les dossiers, a été acheté très vite par AKRAM OGGE (coup financier organisé par la SIEMP!!.
Mais j’ai poursuivi mes expériences et suis partie découragée par l’attitude française en Suisse.
J’ai suivi de nombreux cas d’Alzheimer avec des moyens anthroposophiques notamment et ma recherche sur les processus métalliques. Ma recherche est méconnue car je n’ai pas écrit encore.
Mais j’aimerais communiquer certains éléments qui sont attachés aux vôtres.
Merci pour votre réponse. Monique Meylan Guillemin