Quand vous rencontrez un médecin, il peut y avoir cette question qui vous taraude : « à quel point puis-je lui faire confiance ? »

C’est humain. On se pose cette question de manière plus ou moins consciente à chaque rencontre.

Bien sûr, cette question devient encore plus critique quand il s’agit d’un médecin. Surtout, si vous avez plus de 65 ans et que vous vous retrouvez à l’hôpital.

Dans cette situation, les statistiques montrent que vous avez 1 chance sur 10 d’y rester. Alors ? Ce médecin qui va « s’occuper de vous », vous le sentez comment ?

Pour en juger, vous ne pouvez pas vous appuyer sur grand-chose. Son âge peut-être ? À en croire une étude récente, ce critère aurait en effet du sens.

L’âge de votre médecin aurait même une grande incidence sur vos chances de survie

Selon cette étude publiée dans le British Medical Journal en mai 2017, plus votre médecin est âgé, moins vous avez de chances de survivre à un séjour en hôpital…

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont analysé 736’537 cas d’hospitalisations concernant des patients de plus de 65 ans. Ils ont ensuite mis en relation l’issue de ces hospitalisations au bout de 30 jours avec l’âge du médecin responsable des différents patients. [1] 

Et ils ont trouvé une corrélation claire entre l’âge du médecin et les chances de survie du patient.

Quand le médecin avait moins de 40 ans : 10,8% des patients décédaient à l’hôpital dans un délai de 30 jours. Si le médecin avait entre 40 et 49 ans, ce taux grimpait à 11,1%. Puis à 11,3% pour les médecins âgés de 50 à 59 ans.

Et pour les médecins de plus de 60 ans, ceux qu’on estime généralement être les plus aguerris et les plus accomplis, le taux de mortalité après 30 jours était le plus élevé avec 12,1%.

Comment expliquer ce phénomène étrange ?

Est-ce parce que les médecins en fin de carrière sont moins vigilants ?

Est-ce parce qu’ils sont moins bien formés aux nouvelles techniques médicales ? Ou à l’inverse, est-ce parce qu’ils sont les plus expérimentés et doivent traiter les cas les plus difficiles ?

L’étude ne répond pas à ces questions et il est donc difficile de se faire une opinion objective sur ce critère.

Si votre médecin est jeune, vous pouvez vous dire qu’il est inexpérimenté et que c’est un problème. Ou vous pouvez penser qu’il est à la pointe et c’est une chance. Idem si votre médecin est plutôt en fin de carrière. Selon vos préférences, vous y verrez ce que vous voulez bien voir.

Du coup, la question reste : comment savoir si vous êtes entre de bonnes mains ? Comment être certain que votre médecin est le bon pour vous sortir d’affaire en cas de maladie ou d’hospitalisation ?

Une autre étude apporte un éclairage inattendu

Pour savoir si un médecin nous soignera bien, on essaie de réunir des indices qui paraissent rationnels pour évaluer son niveau de compétence.

Par exemple : a-t-il bonne réputation ? A-t-il de l’expérience ? Intervient-il dans un service spécialisé ? etc.

Sauf que de nouvelles recherches menées à la prestigieuse université américaine de Stanford montrent que le critère de la compétence ne serait pas le meilleur pour choisir un bon médecin.

Plutôt que de chercher un médecin compétent, vous devriez chercher… un GENTIL médecin ! [2] 

Pour arriver à cette conclusion surprenante, les chercheurs ont analysé les effets de l’attitude de médecins vis-à-vis de leurs patients. Pour cela, ils ont effectué différentes études. Voyons-les ensemble.

Quelques mots peuvent faire la différence

Dans la première expérience, les sujets ont subi une piqûre d’histamine, ce qui provoque des réactions allergiques.

Le médecin a ensuite examiné les bras des sujets. Avec certains, il n’a pas dit grand-chose.

Avec d’autres, il a déclaré: « À partir de maintenant, votre réaction allergique va commencer à diminuer. Vos éruptions cutanées et votre irritation disparaîtront. »

Aucun des sujets n’a reçu de traitement pour soulager les démangeaisons ou l’irritation.

Toutefois, ceux qui ont reçu les mots rassurants du médecin ont rapporté moins de démangeaisons que ceux qui n’en avaient pas.

Comme si ces quelques mots avaient eu un effet magique pour soulager les symptômes allergiques. [3] 

Chaleur humaine

Dans une seconde étude, les chercheurs ont voulu savoir si une attitude plus chaleureuse du médecin pouvait faire la différence. [4] 

De nouveau, les sujets ont reçu une piqûre d’histamine. Mais cette fois, ils ont été divisés en trois groupes qui ont vu chacun un médecin différent.

Dans le premier groupe, le médecin s’est montré compétent et amical. Elle a souri et s’est adressée aux patients par leur nom. Elle a bavardé avec eux et a établi un contact visuel. Dans le deuxième groupe, le médecin était froid. Elle fixa l’écran de son ordinateur et ne se présenta pas. Elle parla aux sujets seulement pour leur demander des informations pratiques. Dans le troisième groupe, le médecin s’est montré compétent mais pas chaleureux.

Les trois médecins ont donné une crème à leurs patients en leur disant qu’elle réduirait la réaction allergique, l’irritation et les démangeaisons. La crème était en fait un placebo, une lotion pour les mains non parfumée. Elle n’avait aucune propriété antihistaminique.

Que s’est-il passé ensuite ?

Seuls les sujets du groupe qui avaient vu le médecin amical ont ressenti une diminution de leurs symptômes d’allergie !

Pour l’équipe de recherche, c’est logique : « Les médecins plus chaleureux et plus compétents sont en mesure de transmettre des attentes plus fortes en matière de traitements médicaux chez leurs patients ». Ces attentes positives, à leur tour, ont un impact mesurable sur les résultats obtenus par les patients. »

La relation entre le médecin et son patient va donc bien au-delà de la simple réalisation des procédures médicales et des traitements.

Il y a quelque chose d’indicible et pourtant tellement évident. On ne soigne pas un être humain comme on répare un robot. Chez le patient malade, il y a des angoisses à apaiser, un espoir à donner, une confiance à construire. Pour guérir, nous en avons également besoin.

Les médecins ne peuvent pas se cacher derrière leur savoir, leurs appareils, leurs traitements, leurs protocoles, leurs cadences, leurs papiers administratifs. La relation qu’ils tissent avec leurs patients pèse dans la balance. Pour le patient, elle ajoute ou elle soustrait des chances de guérison.

Dans l’étude de Stanford, les chercheurs précisent que le médecin ayant obtenu les meilleurs résultats est celui qui a « souri », « s’est adressé aux patients par leur nom » et les a « regardés ».

Est-ce trop demandé à votre médecin ?

Je ne le crois pas. Et je ne veux d’ailleurs pas accabler les médecins.

Car ils souffrent probablement autant que les patients des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier aujourd’hui : rendez-vous à la chaîne, rentabilité économique, hyper-règlementation.

Le système fait qu’un « bon médecin » est d’abord un médecin discipliné et performant. On ne les juge pas sur leurs résultats ou leurs qualités humaines. La conséquence est qu’au moins 1 médecin français sur 2 aurait déjà connu un burn-out. [5] 

Bien sûr, on n’imagine pas un médecin exprimer cette souffrance lors d’une consultation avec son patient. Imaginez la scène : vous le voyez parce que vous êtes malade et il se plaint parce qu’il a trop de travail. Ce serait absurde. Alors peut-être votre médecin cache ses états d’âme derrière cette distance froide, médicale qui lui permet de continuer.

Si c’est le cas, pourquoi ne prendriez-vous pas l’initiative de fendre SON armure ? Au moins dans votre esprit. Votre médecin est une personne comme une autre. Dites-lui que vous le savez. Construisez cette relation avec lui. Ensemble. Sentez-vous libre de faire ce premier pas. Dites-vous que vous avez besoin de cette relation pour guérir. Et qu’en plus, c’est prouvé par des chercheurs de Stanford !

Prenez soin de vous,

Léopold Boileau, Votre correspondant

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Sources

[1] Physician age and outcomes in elderly patients in hospital in the US: observational study. BMJ 2017; 357 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.j1797 (Published 16 May 2017). Cite this as: BMJ 2017;357:j1797

[2] Journal of General Internal Medicine. December 2018, Volume 33, Issue 12, pp 2051–2052 | Cite as Physician Assurance Reduces Patient Symptoms in US Adults: an Experimental Study. Authors Kari A. LeibowitzEmerson J. HardebeckJ. Parker Goyer

[3Open versus hidden medical treatments: The patient’s knowledge about a therapy affects the therapy outcome. By Benedetti, Fabrizio,Maggi, Giuliano,Lopiano, Leonardo,Lanotte, Michele,Rainero, Innocenzo,Vighetti, Sergio,Pollo, Antonella. Prevention & Treatment, Vol 6(1), Jun 2003, No Pagination Specified Article 1a

[4] Harnessing the placebo effect: Exploring the influence of physician characteristics on placebo response. By Howe, Lauren C.,Goyer, J. Parker,Crum, Alia J. Health Psychology, Vol 36(11), Nov 2017, 1074-1082

[5http://www.leparisien.fr/societe/sante/sos-medecins-en-detresse-31-07-2018-7839528.php