Lors de la dernière discussion budgétaire, on s’est moqué de la proposition du député Aymeric Caron, qui voulait introduire une niche fiscale concernant les frais de croquettes pour chiens et chats, à l’intention des ménages modestes.
Je ne sais pas si c’est une bonne idée sur le plan budgétaire ou fiscal, mais il y a une chose dont je suis sûr : si on veut réduire le déficit de la sécurité sociale, aider ou faciliter la possession d’animaux domestiques serait une mesure efficace.
Vous croyez que je plaisante ?
Pas du tout.
Avoir un animal de compagnie est bon pour la santé, notamment pour les personnes âgées, mais pas seulement. Cette amélioration de l’état général et la baisse des risques liés à de nombreuses maladies est une importante source d’économies pour la société. D’ailleurs ce n’est pas difficile à démontrer.
Un soutien à un prix imbattable pour les personnes handicapées
Commençons par ce qui me semble être l’exemple le plus évident : les chiens-guides pour aveugles. Le coût pour la formation d’un chien-guide, en prenant tout en compte (éducation, soins vétérinaires, nourriture) est compris entre 25 et 30 000 euros (1).
Une fois remis à son maître ou à sa maîtresse, le plus souvent gratuitement, le chien-guide va accompagner, aider, redonner de l’autonomie à une personne aveugle pendant cinq à dix ans, jour et nuit, 365 jours par an.
Vous imaginez le coût pour la société s’il fallait faire appel à une personne soignante ?
Or, comment sont financées les associations qui forment les chiens-guides ?
A 95 % par les dons de particuliers et d’entreprises (2). Cherchez l’erreur !
Mais les chiens peuvent aider bien d’autres catégories de personnes que les aveugles. La catégorie dite des chiens d’assistance inclut également :
- Les chiens guides pour les personnes sourdes ;
- Les chiens qui aident les personnes en fauteuil roulant (par exemple pour ouvrir les portes, ramasser des objets, allumer ou éteindre la lumière, etc.) ;
- Ceux qui accompagnent les enfants autistes (qui évitent que l’enfant ne quitte son domicile sans une personne de référence, maintiennent une distance de sécurité entre l’enfant et la foule, etc.) ;
- Les chiens d’alerte pour personnes diabétiques (qui avertissent s’il faut prendre un médicament ou appellent à l’aide en cas de crise) ;
- Et les chiens de soutien émotionnel pour les personnes qui ont du stress post-traumatique, des troubles bipolaires ou des troubles de déficit de l’attention (TDAH).
Autant de situations pour lesquelles la prise en charge à domicile ou dans des structures spécialisées représente un énorme poids financier pour la plupart des familles, ou la sécurité sociale dans les (rares) cas où celle-ci leur vient en aide.
Avez-vous entendu parler du grand plan de formation canine destiné à augmenter le nombre de chiens formés afin non seulement de faire des économies, mais de pallier au manque de structures et de personnel soignant ?
Non ? Pas étonnant, il n’y en a pas !
Un effet positif sur la santé de tous les propriétaires d’animaux domestiques
Mais il n’y a pas que les personnes handicapées ou souffrant de troubles émotionnels qui bénéficient de la présence d’un animal domestique.
Et je ne vous parle pas ici de sentiment de solitude atténué ou de sensation de bien-être (choses subjectives mais pourtant réelles et ô combien appréciables). Je vous parle d’études scientifiques qui démontrent une corrélation très nette entre le fait de prendre soin d’un animal et un moindre risque de présenter des pathologies graves et coûteuses.
Animal domestique = moins de risques cardiaques
Posséder un animal domestique permet de réduire la tension artérielle.
Des études ont montré que les propriétaires d’animaux ont souvent des niveaux de tension artérielle systolique et diastolique inférieurs à ceux qui n’ont pas d’animaux.
Une étude a même mis en évidence que le simple fait de caresser un animal, en particulier un chat ou un chien, y compris un animal qu’on ne connaît pas, déclenchait la libération d’ocytocine, une hormone associée au lien et à la relaxation. Ceci réduirait l’impact négatif du stress sur l’élévation de la tension artérielle (3).
Pas étonnant dès lors que la possession d’un animal de compagnie soit aussi associée à une meilleure santé cardiovasculaire (4).
Par exemple, une étude publiée en Avril 2020 dans l’American Journal of Cardiology a révélé que les propriétaires d’animaux présentaient un risque significativement plus faible de maladie cardiaque et d’accident vasculaire cérébral que les non-propriétaires d’animaux (5).
Soyons précis : ces études ne comparent pas des mamies à chat tranquilles et frugales avec des jeunes hommes hyperactifs qui se nourrissent de pizzas surgelées et n’aiment pas les animaux.
Elles évaluent, sur des larges cohortes d’individus, l’impact d’avoir un animal domestique, indépendamment de l’âge, du genre, du mode de vie, des antécédents médicaux, etc. Les données sont tellement concluantes que l’association américaine du cœur (American Heart Association AHA) a inclus, dans ses recommandations thérapeutiques officielles, le fait de posséder un animal domestique comme facteur de réduction du risque de maladies cardiovasculaires (particulièrement un chien).
Qui plus est, les animaux de compagnie permettent aussi à leurs propriétaires de se remettre plus rapidement d’une maladie cardiaque. Les patients victimes d’une crise cardiaque ayant des animaux de compagnie ont des taux de survie plus élevés. Selon une autre étude de l’AHA, le taux de survie des propriétaires d’animaux domestiques un an après l’évènement est de 94 % contre seulement 71 % pour les non propriétaires (6).
Animal domestique = Meilleur système immunitaire
Autre bénéfice médical avéré, le renforcement du système immunitaire.
On sait depuis maintenant longtemps que les enfants qui grandissent avec des animaux de compagnie, en particulier des chiens, sont moins susceptibles de développer des allergies ou de l’asthme (7).
C’est probablement dû à l’exposition aux bactéries et autres microbes transportés par les animaux, qui améliorent le système immunitaire contre les allergènes et autres agents pathogènes. Mais c’est aussi vrai pour les adultes : la possession d’un animal de compagnie renforce la réponse immunitaire. Une étude publiée dans le journal Psychological Reports en 2004 montre que le simple faire de caresser un animal (à nouveau, même un animal qu’on ne connaît pas) augmente de manière très significative la concentration salivaire de l’anticorps IgA ! (8)
Plus d’exercice, une meilleure hygiène et quelque chose qui s’appelle l’amour
Une méta analyse conduite en 2019 et sobrement intitulée Dog Ownership and Survival (La possession d’un chien et la survie) conclut que le simple fait de posséder un chien entraîne une réduction du risque de mourir au cours des dix prochaines années de 24 %. (9)
Comment expliquer cet impact multidimensionnel sur notre santé de la présence d’un animal ?
Les chercheurs soulignent tout d’abord le fait que les possesseurs d’animaux domestiques, et en particulier de chiens, conservent une activité physique supérieure. A âge et conditions de santé égales, les possesseurs d’animaux domestiques ont 54 % de chance de plus d’atteindre les niveaux d’activité physique recommandés (10). Avec tous les bénéfices pour la santé liés.
La seconde explication avancée à trait au sens des responsabilités que procurent les animaux de compagnie, et au maintien de routines salutaires. Nourrir régulièrement, donner à boire, mettre dehors ou au contraire ne pas laisser sortir, brosser, etc. autant de gestes qu’on fait pour un animal et qui maintiennent une forme d’activité mentale et physique qui participerait à un mode de vie plus sain.
Enfin, comment ne pas évoquer le soutien affectif que procure un animal de compagnie ?
Dans ce domaine, les études scientifiques me semblent moins nécessaires face à l’expérience que chacun peut avoir, propriétaire d’un animal de compagnie ou non, de la relation de confiance, de complicité, de soutien sans faille qui peut exister entre un chien, un chat, mais aussi beaucoup d’autres animaux, et un être humain.
Mais les études existent aussi sur ce point.
Par exemple, une étude publiée dans Frontiers in Psychology a souligné que la possession d’un animal réduit considérablement les symptômes de dépression chez les personnes souffrant de problèmes de santé mentale modérés à graves (11).
Une cause d’intérêt général
Comment devrait réagir les autorités face à cette accumulation d’évidences ?
La possession ou le lien avec un animal domestique améliore, de plein de manières, l’état général physique et mental. Dès lors, il faudrait faciliter et encourager autant que possible la proximité avec des animaux de compagnie, pour les personnes âgées notamment.
Certaines maisons de retraite autorisent déjà les résidents à s’installer avec leur animal, mais ce n’est, de loin, pas le cas partout.
La loi Bien Vieillir adoptée le 8 Avril 2024 généralise cette possibilité mais reste en l’attente d’un décret d’application encadrant les modalités précises d’accueil des animaux par établissement. Une autre solution est d’avoir des animaux de compagnie à l’intérieur des lieux de résidence pour personnes âgées, des animaux partagés en quelque sorte, ce qui est déjà mieux que de les interdire purement et simplement.
Pour en revenir aux questions d’argent, les propriétaires d’animaux de compagnie ne bénéficient de quasiment aucune aide, ne serait-ce que pour les vaccinations ou autres soins médicaux qui sont souvent extrêmement coûteux et doivent être renouvelés régulièrement.
Un investissement pour votre propre santé
Or, ce que ces études révèlent, et je terminerai sur ce point, c’est que, à votre niveau individuel, la santé de votre animal de compagnie est un enjeu pour votre propre santé, sur le long terme. Un animal bien soigné, bien nourri, en quantité et en qualité, est un animal qui, non seulement, vivra mieux et plus longtemps, mais vous permettra aussi, sans que vous vous en rendiez compte, de vivre mieux et plus longtemps.
Ne négligez donc aucun soin pour votre compagnon de vie !
Prenez soin de vous (et de votre animal de compagnie)
Votre correspondant, Léopold Boileau
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Sources :
- chiens-guides
- chiensguidesparis
- Vormbrock JK, Grossberg JM. Cardiovascular effects of human-pet dog interactions. J Behav Med. 1988 Oct;11(5):509-17. doi: 10.1007/BF00844843. PMID: 3236382.
- Surma S, Oparil S, Narkiewicz K. Pet Ownership and the Risk of Arterial Hypertension and Cardiovascular Disease. Curr Hypertens Rep. 2022 Aug;24(8):295-302. doi: 10.1007/s11906-022-01191-8. Epub 2022 Apr 22. PMID: 35451801; PMCID: PMC9356927.
- Krittanawong C, Kumar A, Wang Z, Jneid H, Virani SS, Levine GN. Pet Ownership and Cardiovascular Health in the US General Population. Am J Cardiol. 2020 Apr 15;125(8):1158-1161. doi: 10.1016/j.amjcard.2020.01.030. Epub 2020 Feb 21. PMID: 32093954.
- ahajournals
- Simpson A. Effect of household pet ownership on infant immune response and subsequent sensitization. J Asthma Allergy. 2010 Aug 30;3:131-7.
- Charnetski CJ, Riggers S, Brennan FX. Effect of petting a dog on immune system function. Psychol Rep. 2004 Dec;95(3 Pt 2):1087-91.
- ahajournals
- Levine, Glenn N., et al. “Pet Ownership and Cardiovascular Risk A Scientific Statement From the American Heart Association.” Circulation 127.23 (2013): 2353-2363.
- frontiersin